Airbus déploie 118 exosquelettes dans ses usines
De O.Héniel · Publié le 30 juin 2025

Deux opérateurs Airbus équipés d'un exosquellete. Source : Airbus
S'il y a bien une raison pour laquelle les jeunes se détournent des métiers de la manutention et de la logistique, c’est la pénibilité de certaines tâches. Beaucoup de postes dans ce secteur exigent des efforts physiques répétitifs, contraignants, parfois dangereux, exposant les travailleurs à une usure prématurée du corps. Ce sont précisément ces conditions qui poussent les industriels à chercher des solutions concrètes pour libérer leurs opérateurs de cette fatalité, et leur offrir un environnement de travail plus sûr, plus moderne, et plus respectueux de leur santé.
Parmi ces solutions émergentes, l’exosquelette s’impose comme une innovation prometteuse. Il s'agit d’un véritable outil d’assistance physique soutenant les parties du corps sollicitées pour réduire les efforts musculaires. Il permet aux opérateurs de maintenir des postures pénibles ou d’accomplir des gestes répétitifs en limitant les risques de fatigue et de troubles musculosquelettiques.
C’est dans cette optique qu’Airbus vient de lancer un programme pilote d’envergure, déployant 118 exosquelettes dans ses usines situées en France, en Espagne et au Canada. L’objectif est clair : tester, mesurer, et valider l’efficacité de ces dispositifs dans des environnements industriels réels, au plus près du terrain, et toujours en partenariat avec les utilisateurs finaux.
Un programme pilote
Le programme pilote s’étalera sur une durée de deux à trois mois, durant laquelle des opérateurs volontaires seront équipés d’exosquelettes dans le cadre de leurs tâches quotidiennes. L’expérimentation prévoit une collecte de données à deux niveaux : en amont, avant la mise en service des dispositifs, puis après plusieurs semaines d’usage, afin de mesurer les effets concrets sur les conditions de travail.
Un accompagnement médical est prévu pour assurer le suivi de chaque participant. Des analyses biométriques seront réalisées, notamment sur la charge musculaire et la fréquence cardiaque, afin d’évaluer l’impact réel de l’exosquelette sur l’effort physique. En parallèle, des questionnaires seront soumis aux opérateurs pour recueillir leur ressenti, leur confort d’usage et leur perception globale de l’outil.
Airbus insiste sur l’importance de croiser les données objectives et subjectives : il s’agit autant de mesurer les effets physiologiques que de s’assurer de l’acceptabilité humaine du dispositif dans un environnement industriel réel.
Airbus cible trois zones du corps à soulager
L’expérimentation lancée par Airbus concerne des exosquelettes destinés à soulager trois zones corporelles particulièrement sollicitées dans les ateliers : les épaules et le cou, les lombaires, et les genoux. Ces zones concentrent la majorité des troubles musculosquelettiques (TMS) constatés chez les opérateurs, notamment en raison de gestes répétitifs ou de postures contraignantes.
Un cas d’usage illustre bien le potentiel de ces dispositifs : dans les ateliers de peinture, les opérateurs doivent poncer des surfaces situées en hauteur. Dans cette configuration, l’exosquelette permettrait de réduire la charge sur les muscles des épaules et du haut du dos de 10 à 40 %, selon les premières estimations internes.
Premiers pas vers une stratégie globale
Airbus ne présente pas l’exosquelette comme une solution miracle, mais comme un levier complémentaire. L’industriel insiste : ces équipements ne sont envisagés qu’en dernier recours, lorsque les mesures d’aménagement des postes, la rotation des tâches ou encore l’usage d’outils assistés ne permettent pas de réduire suffisamment les contraintes physiques.
Le programme se veut résolument piloté par les données. Les 118 exosquelettes déployés dans les usines françaises, espagnoles et canadiennes serviront à collecter des retours précis sur leur efficacité, leur acceptabilité par les équipes et leur adaptation aux gestes métiers. Ces informations alimenteront une phase de co-conception, avec à terme l’idée de développer des modèles spécifiquement adaptés aux besoins de l’aéronautique.
L’initiative s’inscrit dans une stratégie ergonomique globale. Airbus travaille déjà sur d’autres solutions visant à alléger le travail physique : bras à gravité compensée, robots collaboratifs comme CABI, gaines FlexTrack pour guider les outils… L’idée est de créer un environnement de travail dans lequel la technologie s’ajuste aux réalités du terrain, sans jamais les ignorer.
En plaçant l’opérateur au centre du dispositif, Airbus espère non seulement améliorer la sécurité et la santé de ses équipes, mais aussi attirer de nouveaux talents dans des métiers encore trop souvent perçus comme pénibles.